Dado Buffon, Notes sur L’Histoire naturelle de Buffon (23 min 10 s)
Un film de Jorge Amat
Production : aaa avec la participation du CNAP
« J’ai commencé très tôt à dessiner… C’était un réflexe… Comme les tatous et les hérissons qui se mettent en boule, moi je me mettais à dessiner et toutes les emmerdes de l’extérieur me passaient au-dessus de la tête. C’est ce que je pratique aujourd’hui aussi. »
« Il faut croire que j’ai été émerveillé par le côté monstrueux de l’humain. […] Je trouvais que le côté hideux de l’humain est un mérite remarquable, face à un monde du lifting, aseptisé, polyester. »
« Je pense que le véritable musée d’histoire naturelle, ce sont les hôpitaux, les asiles, les prisons, tout groupement humain qui dégage une espèce d’odeur de sueur et de cupidité. »
« Mon souci le plus intime, le plus profond, c’est de rajouter quelque chose à la nature, faire un appendice à la nature, de ne pas l’agresser. »
« Les fauteuils, ce sont les correspondants du jardin du Roi. Buffon a eu une idée géniale, il a créé le titre de correspondant du jardin du Roi, c’était un titre honorifique. Ce sont des mecs qui lui écrivaient, qui lui envoyaient soit des dépouilles d’animaux soit des ossements, des plantes, ce sont leurs fauteuils à eux. […] J’ai toujours senti une frustration de ne pas faire de la sculpture. Disons que mes fauteuils, ce sont des sculptures polychromes. […] Qui dit fauteuil, dit fauteuil d’un tel. C’était le fauteuil d’un tel ou ce sera le fauteuil d’un tel. Eh bien disons que mes fauteuils ne seront les fauteuils de personne, voilà. S’ils sont beaux mes fauteuils, si on se les arrache demain, ce qui me ferait beaucoup de peine parce que je voudrais qu’ils restent ensemble, hein, pas de mise en scène, il faut les montrer en vrac, les mecs qui vont les transporter vont les déposer à l’endroit où je vais les montrer, et ça va s’arrêter là. Personne n’a le droit de masturber mes fauteuils. C’est tout ou rien. »
« Je pense que ma peinture et toute ma vie sont devenues une espèce de rêve, pour ne pas dire de cauchemar. De toute façon, je suis un médecin légiste amateur, qui n’est pas diplômé. »
« Est-ce que je rêve ? Non. Je me suis enfoncé dans cette peinture de viande, de pubis, de salive, de limaces, tout ce côté sueur, tout ce côté muqueuses, qui ne sont finalement pas un rêve, on ne peut pas appeler ça un rêve. On appelle ça un univers, oui. Moi je crois que c’est peu de chose. Un tableau, il vit, il a une raison d’être que s’il est vu par des gens susceptibles de ressentir… à qui ce tableau évoque le même cheminement qui m’a amené à le réaliser… C’est à la lisière effectivement du rêve et de la réalité, de la mort et de la vie, qui sont finalement soudés. C’est cette soudure entre le rêve et la réalité, c’est ce côté “l’instant avant que les choses ne s’écroulent, avant que le sang coule” qui m’intéresse. Je n’aurais pas pu rêver mes tableaux, ils sont plus complexes qu’un rêve. Un tableau, il faut quand même qu’il dépasse, non pas la réalité, car il est réalité lui-même, [il faut qu’il dépasse] le côté “rêve”. Le côté péjoratif du rêve, il faut qu’il soit gommé. »
« Je n’aime pas le mot œuvre […], je n’aime pas le mot idée, je n’aime pas le mot bonheur, je n’aime pas le mot sexe, mais j’aime le mot lumière, j’aime le mot eau, j’aime le mot végétaux, minéraux, et c’est pour cela que je me suis accoquiné avec Buffon. »
« J’ai la lumière, c’est tout ce qui me suffit. Moi, je suis un amoureux de la lumière. »
→ À lire également : la transcription de l’interview de Dado sur Buffon en 1988 sur France Culture.