Cliquer sur les images pour les agrandir
en grand et très grand formats
❧
Diaporama
plein écran
« Rites de passage – c'est ainsi qu'on appelle les cérémonies qui
se rattachent à la mort, à la naissance, au mariage, à la puberté. »
Walter Benjamin
En effet, dans cette maison d’un village de l’Aveyron qu’habite de temps à autre Dado, une femme a vécu, Maria Lauré. Vécu, je veux dire, comme pour toute vie, grandi, aimé, souffert, dormi, rêvé, travaillé, pleuré, ri, joui…
C’est toujours la plus belle affirmation d’œuvre que celle osée par cette sorte de scribe qu’est un artiste et qui consiste à tenter une traversée « transhumaine » : se recréer soi-même en transitant par l’existence d’un autre et en passant non seulement à travers sa vie mais à travers sa mort. Une telle expérience, un tel voyage, exigent de celui qui s’y risque une grande attention, une énorme délicatesse. Dado a ce don, c’est bien pourquoi il était attendu en ce lieu. S’offrait à lui, préparé pour lui, rangé pour lui depuis des années, pour y inscrire son superbe et très ému hommage, un ensemble de draps aux initiales M.L. brodées, c’est-à-dire les plus intimes reliques de l’intimité d’une vie. Un drap, on y naît, on y meurt, on y jouit, on y transmet la vie. Et on y peint aussi. Je veux dire que sur ces beaux anciens tissus auxquels l’usure a donné une précieuse transparence, Dado, avec une belle fougue et une maîtrise parfaite (comme pour la fresque, pas de repentirs possibles sur ce fragile support) y a recréé dans sa trame même, une vie, qui est toujours enfer et paradis mêlés.
Ainsi par son trousseau à Dado confié, Maria Lauré la bien-nommée (Laure la Muse et Marie la sans-péché…) est re-née. Trousseau, de trousser :
1) charger sur une bête de somme (l’artiste n’en est-il pas une ? mais ce feu follet poète qu’est Dado a le dos costaud) ;
2) soulever les jupons et posséder sexuellement une femme (mais ne sont-ce pas tous les jupons du monde qu’un artiste trousse ? n’est-ce pas toute la féminité du monde qu’il possède ?) ;
3) composer une œuvre avec une extrême rapidité (n’est-ce pas la vitesse du geste qui caractérise l’art de peindre de Dado ?) ;
4) sens ultime : trousseau, diminutif de trousse, linge de jeune-fille qui se marie ou entre en religion…
L’âge où une jeune-fille entre en religion (c’est-à-dire devient épouse de Dieu) ou se marie (c’est-à-dire entre en cette étrange religion qui marie amour et sexe), c’est grosso modo l’âge où chacun de nous, selon les calculs savants des Pères de l’Eglise, est appelé à ressusciter. Ce ne sont donc pas des linceuls que Dado nous donne à voir, ce sont des voiles de vie. La vie de la jeune Maria Lauré habitant alors, à l’instant du trousseau, son corps qui sera son corps de gloire. La vôtre aussi, de vie, si vous souhaitez, si vous pouvez, si vous savez la voir en voyant ce que Dado pour vous a vu. Qu’il a vu au-delà de tous les trafics du mal et de la corruption dont chaque vie, hier celle de Maria Lauré, aujourd’hui la vôtre, doit se délivrer.
En résumé, les draps peints de Dado, doublements signés, sont draps de délivrance et de haute liberté.
Jacques Henric