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Et que serait un chartreux – l’un de ces moines de l’ordre le plus austère, le plus hermétiquement clos et étranger au monde, que l’on connaisse – s’il se réveillait soudain nu, défroqué de son âme croyante, et vidé de son Dieu ? Sa bouche qui priait dans le silence pousserait ce cri sanglant tel que Dado l’a entendu. Son regard que la contemplation remplissait s’exorbiterait dans sa vacuité hors de sens. Sa langue toute coulée de patenôtres lui pendrait jusqu’au sexe. Son crâne qu’on avait connu rasé et riche d’effets sculpturaux, on le verrait saccagé, décervelé, dilapidé, débraillé de méninges inutiles. Et la maisonnette, son seul lieu dans l’enclos de cette terre sans raison, claquerait de tous ses volets comme une paire de mâchoires. Car tels sont les os, les chairs et les viscères du moine après que Dieu les ait abandonnés. Tout cela gît parmi les fumerolles dans la nuit du dépotoir où le peintre, en exil de toute humanité, et soulagé du fardeau de la décence, récupère ces lambeaux de vision dont il accable ses toiles – de celles qui pourraient servir de linceuls aux grands contemplatifs qui n’ont plus rien à contempler.
Claude Louis-Combet, avril 1998.