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Diaporama
plein écran
Sommes-nous sur l’île du Docteur Moreau ? Ou bien dans quelque mauvais rêve à la Lovecraft où les êtres se laissent affoler et ronger par la couleur tombée du ciel ? Parmi les demi-ruines des demeures hantées, prolifèrent et s’ébattent les produits indicibles d’une féérie de l’horreur. Sarabandes d’écorchés enrubannant leurs entrailles, conciliabules de trépanés dont on n’a pas refermé le crâne, bébés géants atteints d’exophtalmie échangeant leur salive sous le regard absent de vieillards bléphariteux, copulations hideuses de stropiats et de gnomes, tout cet amphithéâtre en plein air fait songer à une monumentale triperie dont les abats, par l’effet de quelque sortilège, se seraient mis à revivre et à croître.
Les mots, dans leur opacité, sont plus cruels que les images : tout en dépeignant avec exactitude le contenu de ces compositions monstrueuses, à la fois réalistes et fantasmatiques, ils ne rendent pas compte de l’impression ambiguë que l’on ressent à les contempler. Car, par une sorte de magie qui lui est personnelle, Dado nous fait passer de la violence intolérable à la douceur exquise, du charnier immonde au jardin fleuri, du roman noir au conte bleu. Mutilations, plaies ouvertes, trépans, laparatomies étalent leurs douloureux mirages, que conjurent les tons pastel d’un herbier idéal. Dans l’équivoque ainsi maintenue avec un art funambulesque, on ne discerne plus quelle est la part, ici, de ce qui crie et gémit, et de ce qui exulte et chante.
Sous notre beau ciel traversé par tant d’ombres, Dado, de sa naïve exaltation, nous dit le tremblement et la crainte qui l’étreignent à la prémonition de quelque an mil, où la fragile enveloppe humaine serait ouverte, écartelée et abolie dans le sacrifice apocalyptique. Mais, au milieu du massacre, il sait écouter en lui le ruisseau qui rêve. Si faible soit le sourire, si ténu le filet de la vie, les voici, chez Dado, mêlés aux lueurs de la petite aube et triomphant, au sein de la détresse, des noirs fantômes de nos peurs.
Patrick Waldberg